samedi, août 04, 2007

Il faut encore le crier bien fort pour que les conneries finissent...


Je suis tout simplement choqué par cette histoire. Je trouve ça incroyable que des trucs comme ça arrivent encore aujourd'hui. Certains évoluent à vitesse de tortue. On devrait les placer sur un île et les laisser s'entretuer entre eux...

Voici un article tiré du site de nouvelle "LeMonde.fr". C'est un peu long, mais ça vaut la peine de le lire. Soyez sensibilisé!

-------------------------------

C'est une histoire du vieux Sud. Une histoire tragique, hantée par des démons surgis d'un autre temps. Une histoire en noir et blanc.

A l'ombre d'un vieil arbre, splendide et harmonieux, déployant généreusement ses branches, déjeunaient depuis des décennies les élèves blancs du lycée de Jena, petite ville de 3 000 habitants nichée au fin fond de la Louisiane et à la population blanche à 85 %. Cette organisation ancestrale de la cour de l'école qui reléguait les élèves noirs à la périphérie aurait pu perdurer si un jeune garçon noir, à la rentrée scolaire 2006, n'avait osé poser publiquement la sulfureuse question : "Pouvons-nous, nous aussi, nous asseoir sous le feuillage ?" La réponse de la direction fut très claire : "Asseyez-vous où bon vous semble !" Et sous le regard courroucé d'élèves blancs, une poignée de jeunes Noirs se glissèrent à l'ombre du vieil arbre.

Le lendemain matin, 1er septembre 2006, trois cordes à noeud coulant pendaient à une branche de l'arbre. Deux cordes noires entourant une corde peinte en or : les couleurs de l'école. Les élèves noirs furent horrifiés, leurs parents mortifiés. "Pas besoin d'être historien pour comprendre le message !, dit Caseptla Bailey, la maman d'un élève. La corde, dans cette région, évoque l'esclavage, les lynchages et le Ku Klux Klan. Ce passé n'est pas si lointain. Ce geste disait à nos enfants : "Sales nègres, on aura votre peau !""

Trois élèves blancs sont rapidement identifiés comme auteurs de la provocation. Mais le principal du lycée, qui souhaite leur exclusion, est contredit par le superintendant et le conseil de l'école, qui concluent qu'une telle "gaminerie" ne mérite pas plus que trois jours de suspension. Offusqués que l'affaire soit prise avec tant de légèreté par l'administration, les parents noirs se réunissent un soir dans une église baptiste pour discuter d'une possible réaction. Et le lendemain, quelques élèves noirs - parmi lesquels une poignée de sportifs, stars locales de l'équipe de football - improvisent sous l'arbre "blanc" une petite manifestation. Panique de l'administration. Une assemblée générale de l'école est aussitôt convoquée lors de laquelle le procureur général du district, Reed Walters, entouré d'une douzaine d'officiers de police, prend la parole et menace les jeunes manifestants. "Je vous préviens, dit-il en fixant les sportifs. Je peux être votre meilleur ami ou votre pire ennemi. Et je peux, d'un trait de plume, anéantir vos vies."

Le lendemain, la police patrouille dans les couloirs du lycée ; le surlendemain, l'école est bouclée. Les parents, effarés, viennent chercher leurs enfants ou refusent qu'ils y retournent. Le principal de l'établissement affirme à la radio que l'ordre règne désormais, et le journal local, le Jena Times, affirme que tout est décidément de la faute des parents noirs qui, en se réunissant, ont fait d'une plaisanterie de potaches une affaire de racisme, et provoqué eux-mêmes l'agitation de leurs rejetons.

La vie reprend donc son cours au lycée de Jena, marquée par une tension palpable entre élèves blancs et noirs (notamment le petit clan auteur de la provocation des cordes et le groupe de sportifs) et l'irritation croissante des professeurs (en quasi- totalité blancs), furieux que leurs élèves noirs aient osé parler de racisme et décidés à leur rappeler durement la discipline évoquée par le procureur. Cela n'empêche pas un garçon noir de 16 ans, Mychal Bell, de faire gagner une nouvelle fois l'équipe des Jena Giants et d'être célébré dans le journal comme le meilleur joueur du moment. Des propositions de grandes universités, attirées par ses exploits sportifs, affluent, laissant espérer à sa famille dénuée de ressources qu'il est tiré d'affaire.

Mais, dans la nuit du jeudi 30 novembre, un incendie criminel dévaste une partie du lycée. Quatorze classes sont détruites, la petite ville est sous le choc et la police à cran. Le week-end qui suit est violent. Le vendredi soir, un des jeunes sportifs noirs qui se présentait à une fête fréquentée par les Blancs se fait boxer dès l'entrée par un adulte blanc, puis tabasser par des lycéens arrivés en renfort. Le lendemain, croisant trois élèves noirs qui sortaient d'une épicerie, un jeune Blanc, impliqué dans la rixe de la veille, court à sa voiture prendre une carabine qu'il braque sur les jeunes gens. Une bagarre s'ensuit, le Blanc est désarmé par les lycéens qui s'enfuient. Rattrapés par la police, ils sont inculpés de "voie de fait" et... "vol d'arme". Inquiets de cette escalade, plusieurs professeurs prient la direction de l'école de reporter l'ouverture du lycée. Mais, le lundi 4 décembre, les cours reprennent normalement. Jusqu'à l'heure du déjeuner.

Difficile de savoir ce qui s'est passé alors. Des regards de défiance, des insultes, un doigt d'honneur sous le nez d'un des sportifs noirs par un élève blanc - un certain Justin Barker -, adepte du mot "nègre", ami des bagarreurs de la veille et des auteurs de la "plaisanterie" des cordes... Le voilà en tout cas qui reçoit un coup de poing, s'écroule, reçoit des coups de pied et perd connaissance. La confusion est totale, aucun témoin ne voit la même chose. Mais Justin Baker est transporté à l'hôpital et la police ne tarde pas à coffrer six jeune Noirs, les six sportifs déjà remarqués lors de la première manifestation. Le procureur les inculpe d'abord de "coups et blessures". Mais la colère d'une poignée de professeurs enjoignant la direction du lycée à plus de fermeté le fait réfléchir. Désormais, c'est de "tentative de meurtre" et "complot" dont ils sont accusés. Pour une bagarre de lycéens, ils risquent cent ans de prison.

Le procureur tient d'ailleurs à mettre les points sur les i. Dans un texte publié par le Jena Times, il avertit : "A ceux qui ont causé ces incidents, je dis que vous serez poursuivis dans l'interprétation la plus étendue possible de la loi et pour les crimes les plus graves que justifient les faits. Et pour votre condamnation, je réclamerai la peine maximale autorisée par la loi. Je veillerai à ce que vous ne menaciez plus jamais les élèves d'une école de la région." La communauté noire est abasourdie. Les six garçons sont définitivement exclus de l'école, les cautions exigées pour leur libération conditionnelle (de 70 000 à 138 000 dollars) bien trop élevées pour la plupart des parents, qui habitent dans des mobile homes ou des baraquements. Trente-cinq pasteurs de la paroisse se regroupent alors pour appeler à la paix dans la communauté. Une prière commune réunit même la petite ville, un soir de décembre, au stade de football. Car c'est bien cela le problème, croit comprendre le Jena Times, qui exclut tout soupçon de racisme : on ne prie plus assez !

Malgré les protestations des parents, la mobilisation de plusieurs associations défendant les libertés et les droits de l'homme, la création à Jena d'une section de l'historique NAACP (l'une des principales organisations de défense des Africains-Américains, qui se bat depuis 1909 contre la ségrégation raciale), les six sportifs noirs restent en prison. Le jeune Blanc parti en ambulance ? Il va bien. Sorti de l'hôpital trois heures après la bagarre, il a assisté le soir même à une cérémonie de l'école. On l'a depuis trouvé en possession d'un fusil chargé de 13 balles planqué dans sa camionnette garée devant l'école.

La suite est aussi affligeante. Et le premier procès - celui de Mychal Bell, la star de football -, qui a eu lieu les 26, 27 et 28 juin, a été la caricature effarante d'une justice pour riches, d'une justice pour Blancs. Dans une salle de tribunal partagée en deux - à droite, les Blancs réunis autour de Justin Barker et de sa famille ; à gauche, les familles et amis des six Noirs inculpés -, Mychal Bell a dû affronter un jury entièrement blanc, un procureur blanc, un juge blanc et dix-sept témoins blancs. Son avocat, noir, commis d'office, ne lui a posé aucune question, n'a pas mis en cause le jury, n'a relevé aucune des nombreuses contradictions des témoins et n'en a lui-même cité aucun. Il n'a pas été question des provocations raciales, des cordes de pendu, des bagarres, des insultes ; pas un mot sur l'avenir du jeune sportif qui, avant de passer les sept derniers mois en prison, se distinguait par de bons résultats scolaires. Rien. Le jeune homme a eu beau chuchoter quelques mots à l'oreille de son défenseur sur les désaccords flagrants entre les témoins, il n'en a pas tenu compte.

Alors, quand le procureur, après avoir annoncé à l'ouverture du procès qu'il renonçait à l'inculpation pour "tentative de meurtre", a demandé au jury de reconnaître Mychal Bell coupable de "coups et blessures aggravés" et de "complot", les six jurés l'ont suivi à l'unanimité. Et qu'importe si ce chef d'accusation, qui expose à vingt-deux années de prison, exige, selon la loi de Louisiane, l'usage d'une "arme dangereuse". Les chaussures de tennis du garçon ont fait l'affaire ! Le juge tranchera le 31 juillet. Les parents de Mychal Bell, comme ceux des cinq autres jeunes Noirs en attente de procès, sont écoeurés. "Le garçon n'avait aucune chance", dit tristement Cleveland Riser, un vieux sage qui a connu le temps des bus, des écoles, des fontaines réservés aux Blancs. "Ce procès est le pire exemple d'erreur judiciaire que j'aie jamais rencontré", assure Alan Bean, un pasteur blanc activiste, fondateur de l'association Amis de la justice. "Un lynchage des temps modernes", laisse tomber une femme noire à la sortie du tribunal.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Thanks for writing this.